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jeudi 27 octobre 2016

Bomavé Konaté, Trésor humain vivant du Burkina

C'était il y a quelques mois, dans les derniers temps d'une transition haletante. Le Président Kafando, peu avant de déposer la présidence, lançait la cérémonie de proclamation des premiers Trésors Humains Vivants du Burkina Faso. Bomavé m'a appelé, fidèle à lui même, pour me demander de l'accueillir au car en provenance de Boromo, alors que la cérémonie débutait déjà. Le temps de se faufiler dans les embouteillages ouagalais, et nous n'avons vu de la cérémonie dont il devait être acteur, que le banquet de clôture.
J'ai rencontré Bomavé en 1999, à l'occasion d'un séjour de trois mois dans le parc artistique qu'il mettait en place depuis déjà quelques années. Depuis nos chemins se sont régulièrement croisés, au gré de mes venues au Burkina et de ses séjours en France. Je l'ai vu construire petit à petit le Parc International des Arts Manuels et Traditionnels (PIAMET), se tromper parfois et recommencer toujours. Il s'active inlassablement sous l'ombre de son manguier où ses petits frères et neveux le rejoignent pour apprendre le métier de sculpteur. Il lui arrive de boire, trop, mais il est bwaba ; les burkinabè savent ce que cela veut dire. Pourtant il ne vieillit pas. Dans son regard continue à briller la lueur de l'adolescence festive. C'est probablement ce qui en fait un acteur majeur de la culture burkinabè : là ou il sculpte, il danse et assure le spectacle.

Bomavé Konaté, Boromo le 1er novembre 1999

Tourmignie, le 13 juillet 2006
                  CANON EOS 300D
                  Distance focale : 21 mm
                  f/3.5
                  1/320 s
                  ISO 200
 
Boromo, le 9 novembre 2007

                  CANON EOS 300D
                  Distance focale : 55 mm
                  f/5.6
                  1/60 s
                  ISO 400

Sa maison, à Boromo est un musée en visite libre où il est permit d'admirer et d'acheter des reproductions de masques rituels. Contrairement à ceux qui se vendent à Ouagadougou, ceux-ci sont encore sculptés à la daba par les membres de la famille Konaté. A Oury, leur village d'origine, ils sont quelques-uns à être initiés et habilité pour sculpter les vrais masques rituels, ceux qui dansent encore dans les villages animistes et qui ne sont visibles qu'en de rares occasions. C'est dire si un masque de Konaté, même lorsqu'il n'est qu'une reproduction reste une reproduction éclairé par le savoir de son créateur.
La force de Bomavé réside aussi dans sa faculté à osciller entre tradition et modernité. En plus des répliques de masques, auxquelles s'initient ses jeunes frères et neveux, il développe une œuvre personnelle, dont la série des bas reliefs, qui lui ont ouvert les portes de multiples galeries françaises dans le passé. Plus récemment, la multiplication des pintades en bois anime son atelier. Des milliers ont déjà été produites, toutes sculptés à la main et peintes avec un petit bâton, de millions de points blancs qui les rendent uniques de part leurs tailles, leurs posture ou leurs motifs. Mais aussi des pièces de mobilier, imposantes et intégralement sculptées dans la masse avec pour inspiration, le règne animal du Burkina.

La maison de Bomavé, Boromo,  novembre 2007

Boromo, le 22 novembre 2014
                  CANON EOS 60 D / CANON LENS EF 50 mm f/1.4
                  Distance focale : 50 mm
                  f/2.2
                  1/60 s
                  ISO 1000
 
Chaque année, il fait le voyage pour l'Europe où festivals et musées le réclament. Il nourrit ainsi sa création des multiples cultures et rencontres qui se tissent au fil des kilomètres parcourus. En comparant les portraits du Bomavé de 1999 et ceux de 2016, on ne décèle aucun vieillissement, ni dans sa tête ni sur son corps tandis qu'il continue à redonner vie au bois mort.
Le Burkina ne s'est pas trompé en le faisant figurer parmi les premiers méritants du statut de Trésor Humain Vivant.

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