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mardi 26 avril 2016

Photoshop pour les nuls ?

Il n'est pas rare d'entendre en prise de vue "Bah, on rattrapera ça sur photoshop" (et pourquoi pas sur Gimp ?). A croire qu'il s'agit là des outils du parfait fainéant. Je me souviens d'une campagne de publicité pour AirBurkina. Un ami avait réalisé la prise de vue dans un avion de la flotte, sur le tarmac de l'aéroport de Ouagadougou, avec hôtesses de l'air et faux passagers, pour vanter l'accueil et le service à bord. Arrivé chez lui, il s'était rendu compte que tous les casiers à bagages au dessus des passagers étaient restés ouvert... Et impossible de demander une nouvelle immobilisation de l'avion pour refaire la prise de vue. J'ai donc, pour lui, été contraint de redessiner en totalité le plafond de la cabine sur un cliché, avec les portes des casiers fermée, en incluant les textures et les éclairages afin de sauver la compagne publicitaire (et la réputation du photographe).


L'image est visible sur le site Air Burkina
Par chance, la zone à photoshoper n'était pas très grande, de part et d'autre de l'hotesse qui sert le jus de fruit. Le résultat est réaliste même si je ne doute pas que l'oeil d'un expert ne s'y laisserait pas abuser.
A ce stade d'utilisation de photoshop ou de Gimp, ce n'est plus de la photographie mais de l'illustration. Je crois que pour une utilisation sérieuse de ces logiciels, il est important d'avoir eu l'expérience du laboratoire photographique argentique. Sans quoi, on se retrouve vite à en faire n'importe quoi. Qui n'a jamais joué de ses filtres gélatine pour contraster plus ou moins certaines zones et qui n'a jamais manipulé des caches en carton, pour isoler une zone sous la lumière de l'agrandisseur, ne peut pas complètement comprendre ce qu'il fait lorsque d'un coup de souris informatique il assombrit un défaut ou éclaircit un visage.

Pour le monde de la photographie, il est normal d'optimiser l'éclairage, la température et le contraste d'un cliché numérique comme on le faisait sous agrandisseur. Mais il faut savoir cerner ses limites. A trop retoucher, on devient illustrateur au lieu de photographe. Certains l'assument d'autant mieux qu'ils le font bien. Peter Stewart est de ceux-là et son honnêteté intellectuelle va jusqu'à nous proposer de voir son travail avant et après les retouches.

Tout le monde n'a pas son talent et c'est bien souvent à tord que des novices se lancent dans d'hasardeux trucages numériques qui font le régale du web. La présidence du Faso n'y avait pas échappée, lorsqu'elle publiait en avril 2013, dans son mensuel "Les Cahiers de la Présidence du Faso", numéro 210, un magnifique poster central, illustrant la jeunesse enthousiaste de Dori venu acclamer son président. A bien y regarder, si la lumière n'a pas été retouchée, il semble évidant que la présence d'un trop grand nombre de gardes du corps entre le chef d'état et sa population enthousiaste n'ai été corrigé "à la truelle" par un photoshopeur amateur au sein de la direction de la communication... Le risque lorsque l'on triche, c'est que ça finit inévitablement par se voir.



Le poster tel qu'il a été publié...


Détail de la retouche

N'oublions jamais que nos photographies actuelles auront valeur d'archives dans quelques années. Évitons donc de chercher à embellir la réalité surtout quand nous ne sommes pas capable de le faire correctement. Les petits défauts font partie intégrante de notre vie. Que penserons nos descendant lorsqu'ils tomberont sur les portraits de leur aïeuls, le visage lisse et un éclairage digne d'Hollywood même dans la salle de bains ou le grenier ? Est-il vraiment intéressant de nettoyer les photographies de tout défaut par la magie d'un logiciel pour faire comme dans la publicité et dans les magazines ?

Exemple d'illustration à base photographique
Photographie d'origine, brute de prise de vue

Réservons les logiciels de retouche pour les travaux graphiques. Il est même possible d'assumer ses retouches en incluant dans la photographie un montage esthétique qui ne laissera aucun doute quand à la finalité illustrative de l'image par rapport à la photographie d'origine.

lundi 11 avril 2016

Un peu de hauteur

Les drones de prise de vue sont en train de nous soustraire le plaisir de voler. Le combat est inégale, vingt minutes de prises de vue en avion ou en hélicoptère ne seront jamais plus rentables face à un appareil photographique porté par quatre hélices et télécommandé depuis le sol sous une casquette et derrière une paire de lunettes de soleil.

Une cour de village en saison sèche près de Ouagadougou, 29 mai 2015
                  CANON EOS 60D
                  Distance focale : 41 mm
                  f/11
                  1/500 s
                  ISO 500


Une cour en zone humide, Dano le 7 novembre 2011
                  CANON EOS 60D
                  Distance focale : 35 mm
                  f/11
                  1/250 s
                  ISO 200

Il nous reste peu de temps pour savourer les courants l'air, penché dans le vide, à la porte d'un avion ultra léger après avoir vérifié trois fois que notre ceinture est correctement verrouillée. Retenir les haut-le-coeur quand l'oeil planté dans le viseur on n'oublie d'anticiper les accélérations et décélérations horizontales et verticales, qui se superposent au tangage et aux secousses du vent en altitude.
Nous conservons encore un petit avantage, dès que la prise de vue dépasse trente minutes, il est préférable envoyer l'appareil photographique muni de son propriétaire, ensemble et à la même altitude que le pilote. Les différentes réglementations nationales imposent une altitude maximale pour les engins téléguidés (150 mètres pour la France). Au delà, les vents deviennent plus violents et il n'est pas sûr que la stabilité d'un drone soit suffisante pour photographier dans de bonnes conditions. ce qui nous permet de les regarder de haut quand notre hélicoptère effectue un vol stationnaire sept ou huit cent mètres plus haut.

Érosion des sols dans un quartier non loti, Ouagadougou, le 29 mai 2015
                  CANON EOS 60D
                  Distance focale : 40 mm
                  f/11
                  1/500 s
                  ISO 500

Incendie de brousse, Burkina Faso, le 7 novembre 2011
                  CANON EOS 60D
                  Distance focale : 80 mm
                  f/8
                  1/1 000 s
                  ISO 400

Pour le matériel, une bonne optique et un boitier réflex numérique approchent souvent les deux kilogrammes. C'est le poids de la qualité et deux bras valent mieux que quatre hélices pour les manipuler. En prise de vue vidéo, un modeste grand angle passera sans problème mais dès qu'il s'agit de photographies haute définition, il n'est plus possible de tricher sur le nombre de lentilles pour gagner de la place.
L'autonomie limitée des drones civils ne fera que s'améliorer, la réglementation et les qualités optiques du matériel embarqué suivront le mouvement. Dès lors, nous devrons rester à terre ou dans le meilleur des cas, nous contenter d'un morceau de hublot sur un vol commercial pour profiter d'un paysage aérien. A moins de s'appeler Yann Arthus-Bertrand et d'avoir les moyens financier de son rêve.

Les collines de Dano, le 7 novembre 2011
                  CANON EOS 60D
                  Distance focale : 80 mm
                  f/8
                  1/1 000 s
                  ISO 400

Il arrivera un jour où lui même devra jouer des coudes entres les drones pour poursuivre son travail.


vendredi 1 avril 2016

La tête du ça et celle du moi

Dans la langue française, lorsque deux mots veulent dire la même chose, c'est généralement qu'il existe une nuance, parfois infime, dans le sens qu'ils véhiculent. Il en va probablement de même pour toutes les langues vivantes. Quelle différence ferions nous entre un selfie et un autoportrait ? Disons pour commencer que l'autoportrait, c'est ce que l'on fait quand on ne peut pas faire autrement. Le selfie, c'est ce que l'on fait quand on ne sait pas faire autre chose.

Autoportrait dans l'oeil de mon épouse, Ouagadougou, le 2 juin 2011
                  CANON EOS 300D
                  Distance focale : 80 mm
                  f/8
                  1/50 s
                  ISO 200

La pratique du selfie est apparut avec la miniaturisation des appareils photographiques, puis elle s'est généralisée avec l'apparition des smartphones. En devenant accessible à toutes les poches, l'outil photographique permettait alors à chacun d'exister et de s'exprimer ; encore fallait il avoir quelque chose à dire.
Il serait réducteur de réserver le selfie aux amateurs et l'autoportrait aux professionnels, nous sommes confrontés quotidiennement à l'auto promotion sexy et fantasmée d'inconnus devenus connus et fortunés rien qu'en exposant sur la toile toujours les mêmes clichés d'eux mêmes. De fait, c'est devenu leur profession : ils sont photographes et s'appellent tous Narcisse (vous pouvez par exemple voir ici Narcisse va à la plage).

Vous remarquerez aussi que, par extension, on appelle selfie tout portrait qui représente Narcisse, quel que soit l'auteur de la photographie comme tout récemment : Narcisse et la prise d'otage ... 

L'autoportrait porte en lui une connotation artistique. Rembrand lui même y succombait dès 1629, alors âgé de 23 ans et il y reviendra régulièrement jusqu'en 1669. Avant lui, Albrecht Dürer, dès l'an 1500 ne s'est pas privé d'en abuser. On n'ose à peine imaginer ce qu'il serait devenu avec un abonnement internet dans son smartphone ... probablement une icône du web, lui qui se représentait nu, vers 1504.

Je n'excelle pas dans l'autoportrait et je n'ai jamais trouvé le moindre intérêt personnel dans la pratique du selfie. Quand on est photographe, le bon côté d'un appareil photographique, c'est derrière. Les rares auto-clichés de moi-même sont d'avantage des expérimentations esthétiques, où j'apparais souvent méconnaissable.

Double autoportrait, Ouagadougou, le 31 décembre 2010
                  CANON EOS 300D ; CANON LENS EF 50 mm f/1.4
                  Distance focale : 50 mm
                  f/8
                  593 s
                  ISO 100

L'autoportrait, balayé par la prolifération des selfies n'a plus vraiment de visibilité pour le grand publique. il a pourtant encore beaucoup de choses à nous apprendre et à nous surprendre. Emile Loreaux fait partie de ces photographes pour qui l'autoportrait est un terrain d'expérimentation permanent et dont le travail pousse à la réflexion sur notre société. Bien qu'il figure lui-même sur la plupart de ses clichés, il n'est jamais le sujet réelle de l'image produite. Il n'est qu'un vecteur, un pantin anonyme qui pourrait être nous et qui ne s'appelle pas Narcisse ; un sujet qui ne lui réclamera pas de droit à l'image, un acteur qui ne fait pas de caprice pour exprimer le message de l'auteur. A la richesse conceptuel de son travail se mêle la maîtrise de son art, des cadrages et des lumières picturales et une esthétique sobre et efficace. C'est beau et ça rend intéressant le monde dans lequel nous évoluons.