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samedi 24 septembre 2016

Pourquoi le raw ?

Y a t-il encore des personnes qui se demandent pourquoi utiliser les formats raw ?
On entend que ce format produit des fichiers plus lourd, c'est vrai. Mais compte tenu du coût décroissant des disques durs, avouez que l'argument ne tient pas. Problème de place sur les cartes mémoire ? A bien y regarder, même avec une 8Go, sur un boitier entre 18 et 24 millions de pixels, le format brut procure autour de 200 clichés contre plusieurs milliers en jpeg. Si en une journée de reportage, nous sommes capable de produire d'avantage que 200 photographies, il serait temps de sérieusement remettre en question notre technique de prie de vue. Il n'y a pas si longtemps, nous utilisions des pellicules de 12 ou 24 poses pour les film 35 mm et même six poses pour un 220 mm.
Au lieu de prendre dix fois la même chose en espérant choisir le meilleur clichés, observez mieux et déclenchez moins. De toute façon, je suis persuadé que lorsque vous avez neuf mauvaises photographies pour une bonne, vous les gardez toutes, on ne sait jamais... Je me trompe ? Faisons donc moins de clichés, mais de meilleurs qualité, autrement dit concentrons nous d'avantage sur ce que nous faisons au moment de la prise de vue.
Je me suis amusé à ressortir des clichés datant de 2005-2006, c'est à dire ayant au moins dix ans et réalisés avec un boitier et une optique d'entrée de gamme de l'époque. Pour corser la chose, j'ai choisi des clichés à la sensibilité élevée ou utilisant des temps de pose longs. En ce temps là, j'étais un jeune Canoniste et le logiciel Digital Photo Professional (DPP) n'était qu'un enfant turbulent, caractériel et pas encore très mature. En ce temps là, Photoshop atteignait l'adolescence, il était beau, grand et insouciant, plein de promesses pour l'avenir et ses algorithmes prometteurs d'innombrables améliorations. Mais il demeurait bien incapable de lire les formats brut de nos boitiers sans l'ajout de Camera raw. Celui-ci balbutiait, il parlait à peine. Songez qu'il est né en 2003... La première version béta de Lightroom date de 2006. Dxo Optic pro est né en 2004, il n'était alors qu'un correcteur de défauts optiques et numériques, sur la base de son savoir faire en matière d'analyse de performances des systèmes optiques.
Je me souviens qu'en 2005, je lisais de-ci de-là qu'il était important de produire et de conserver les fichiers raw de son boitier, sous couvert de la promesse du développement futur des logiciels de traitement des informations brutes. Je n'y ai pas vraiment cru tout de suite, mais j'ai tout de même privilégié ce format, au cas ou ...

Préparatifs de mariage, Montreuil, le 10 septembre 2005
                  CANON EOS 300D
                  Distance focale : 22 mm
                  f/4.5
                  1/25 s
                  ISO 1 600
Vendeuse de sésame, Boromo, le 14 novembre 2005
                  CANON EOS 300D
                  Distance focale : 27 mm
                  f/10
                  30 s
                  ISO 400


Repas festif, Paris, le 11 décembre 2005
                  CANON EOS 300D
                  Distance focale : 21 mm
                  f/3.5
                  1/3 s
                  ISO 800


Paris de nuit, le 17 septembre 2005


                  CANON EOS 300D
                  Distance focale : 55 mm
                  f//9
                  2 s
                  ISO 200


Fontenay sous Bois, le 18 octobre 2005
                  CANON EOS 300D
                  Distance focale : 18 mm
                  f//4.5
                  1/50 s
                  ISO 400


Dix ans plus tard, il est temps de faire le bilan. Et là pas d'hésitation : le format brut est une merveille. Sur la base d'un capteur d'entrée de gamme de 2005, il est désormais possible de sortir des clichés dignes des bons boitiers actuels (j'exagère à peine) avec DxO Optique Pro ou Camera raw. La seule chose que l'on ne corrige pas, c'est le nombre de pixels. Mais le bruit, les aberrations optiques, les problèmes de diffraction de la lumière sur le capteur, les faiblesses des sensibilités ISO, le vignetage... Tout passe de l'anecdotique au sublime, en quelques secondes ou minutes de calcul. Et il est probable que tous ces logiciels qui font de la magie avec nos anciens raw, ne cesseront pas de sitôt de se perfectionner. En conclusion, il n'y a aucune hésitation à avoir : le raw plutôt que le jpeg pour tous. Les générations futures nous remercieront.

Par contre Canon nous fait l'affront de rendre son logiciel incompatible avec le format crw de ses anciens boitiers, ce qui constitue une stratégie commerciale froidement irrespectueuse vis à vis de ses clients. Combien de millions de photographies ont été produites avant l'abandon de ce format ? Ouvrir un fichier brut de dix ans d'âge avec DPP4 s'avère tout simplement impossible. D'ailleurs le site Canon ne propose plus aucune solution logiciel en téléchargement pour ses propres boitiers vendus au début des années 2000. Il est, par conséquent, préférable de bien conserver ses CD d'installations originaux, livrés avec le boitier. Et il faut craindre que les photographies actuelles deviendront illisibles pour les prochaines versions de DPP. En renouvelant son matériel régulièrement, il faudra installer une version de DPP pour chaque génération de boitier. Ou plus probablement, il faut dès a présent envisager de se passer de ce logiciel qui, lorsqu'il fonctionne, reste largement moins performant et moins polyvalent que ses concurrents. Les logiciels concurrents continuent de reconnaître l'ancien format Canon ; ce sont donc eux qui ont permis de retravailler mes clichés d'autrefois.

Ce qui nous amène à l'éternelle question : quel format brut utiliser ? Celui de votre boitier, ou celui libre de la firme Adobe, le DNG (qui lui-même ne s'ouvre pas avec DPP) ?
Personnellement, mis à part avec DxO qui exporte dans ce format (parfois de manière étrange au niveau des fortes lumières), je n'ai jamais utilisé le DNG et je continue à me demander si je ne fait pas là un mauvais choix. Y aura t-il toujours un logiciel pour interpréter le cr2 de Canon, l'arw de Sony et le nef de Nikon ? Quand dans le même temps, je constate les difficultés rencontrés par Adobe pour faire accepter sont DNG, en dépit de sa qualité de format libre, sa pérennité n'est pas plus assurée que les formats des fabricants de boitiers. J'ai donc prit le parti de conserver mes fichiers bruts de prise de vue en format propriétaire mais avec dans un recoin de mon PC un convertisseur DNG (inutilisé mais prêt à l'emploi et que vous pourrez télécharger ici, pour Mac et Windows). N'ayant pas encore tranché sur ce point, pourtant décisif, du choix de format brut, voici quelques liens chez des confrères qui ont déjà traité cette problématique : Phototrend et Cyrilbruneau

samedi 10 septembre 2016

Se passer du flash

Chantier, Ouagadougou, le 10 juin 2015
                  CANON EOS 60D
                  Distance focale : 18 mm
                  f/3.5
                  1/125 s
                  ISO 320


Utiliser le flash dès que la lumière devient insuffisante est devenu un réflexe pour beaucoup de monde.
" C'est la seule chose à faire " nous dit-on. J'étais tout récemment confronté à cette problématique : une pièce sombre et un portrait à réaliser. Plus précisément, m'étant infiltré au sein d'une délégation venue rendre visite au Mogho Naba à Ouagadougou, je suis introduit dans la salle du trône où il reçoit ses invités. J'évalue immédiatement la lumière : une fenêtre translucide sur le côté gauche fournit la principale source de lumière. Mais celle ci, déjà filtrée par le verre dépoli, est encore atténuée par un large auvent qui couvre la terrasse donnant accès à la salle du trône. Nous sommes en août, et le temps pluvieux ne laisse plus entrer qu'une demi pénombre à laquelle nos yeux s'adaptent pourtant facilement.

Le Mogho Naba sur son trône, Ouagadougou, le 12 août 2016
                  CANON EOS 60D ; CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 24 mm
                  f/4
                  1/25 s
                  ISO 2 500

Sur les quatre murs de la pièce, des ampoules basse tension diffusent avec peine leur lumière jaune. J'avais repéré les éclaires du flash de la délégation précédente lors de la séance de photographie juste avant qu'elle ne se retire. Pour ma part, j'entends me passer du flash. Il ne faut que quelques secondes pour effectuer un réglage approprié.
Au moment de la prise de vue, on me propose les services du photographe du Mogho Naba pour me remplacer, en précisant "c'est un photographe professionnel". J'effectue toutefois mes clichés sans lui et à ses yeux grands ouvert, je devine qu'il se dit "son flash n'a pas marché, alors soit c'est un tocard, soit il est vraiment bon ..."
Je connais bien se regard interrogateur que me lancent mes confrères burkinabè qui ne conçoivent pas de se priver de leur flash. Je sais que la plupart ont appris le métier sur le tas et en dépit des années d'expérience, il leur manque toujours des bases techniques. Il y a trois raisons pour ne pas utiliser le flash.

La première, c'est qu'on peut tout à fait s'en passer dans 99 % des prises de vues.
La deuxième, c'est que je souhaite rester discret quand je travaille. Je veux que l'on m'oublie, je cherche à devenir invisible pour saisir les scènes de vie le plus au naturel possible. Pour cela, tout ce qui émet de la lumière sur mon boitier est verrouillé par un adhésif noir. L'écran reste éteint. Et si ce n'est le bruit du déclencheur, personne ne sait à quel moment la photographie est prise, ni même si elle est prise.
La troisième raison, c'est que je tiens, envers et contre tout, à préserver l'ambiance du moment et donc l'éclairage réel de la scène. Je peux toutefois choisir d'éclaircir ou d'assombrir une scène, mais je ne touche pas à son contraste, à la direction de la lumière ni à son agencement spacial. Les réglages permettent de modifier l'intensité sans toucher à l'ambiance lumineuse du moment. Ensuite, il faut bien choisir l'angle de vue par rapport à la source dominante de lumière et se mettre en apnée au moment de déclencher, cela limite les vibrations et permet de supporter des temps de pose très long à main levée.

Intérieur d'une habitation de Zawara, le 06 février 2016
                  CANON EOS 60D ; CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 24 mm
                  f/4
                  1/50 s
                  ISO 400

L'éclairage artificiel n'est valable que s'il est savamment et patiemment construit comme on peut le faire lors d'un tournage cinématographique ou en studio. Mais le flash frontal, monté sur un boitier a toujours été une catastrophe esthétique : l'ombre porté, le sur-contraste, sa faible porté et les éclats de lumière du premier-plan écrasent les volumes tout en importunant vos sujets. Je préfère encore ajouter du grain et du flou à mes photographies plutôt que du flash et j'ai le regret de constater que peu de mes confrères burkinabè admettent la possibilité de la chose.