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vendredi 27 janvier 2017

L'américain de Boromo

Extrait d'un ouvrage photographique publié sur le site Lulu.com en 2009.

Boromo, le 15 novembre 2007
                  CANON EOS 60 D
                  Distance focale : 55 mm
                  f/5.6
                  1/125 s
                  ISO 200

Boromo, comme toutes les villes burkinabè est une ville sale. Partout, même à l’entrée de la brousse, le sol est jonché de sacs en plastique, de morceaux de tissus et de mégots. Les piles électriques sont dispersées dans les champs comme de vulgaires détritus organiques. D’ailleurs rien n'est prévu pour collecter les ordures : aucune poubelle aux coins des rues sinon des remblais sauvages autour des quartiers les plus peuplés et pas même des cendriers dans les bars dont le sol demeure parsemé des capsules de bière et de Coca-cola.
Avant le plastique, l’Afrique cuisinait dans des récipients en terre cuite ou en fonte. Les bols et les cuillères provenaient de la coque des calebasses et on s’asseyait sur du bois. Quand l’un de ces objets se cassait, on savait le réparer, jusqu’au jour où, n’étant plus en état d’assurer sa fonction, on le jetait devant sa cour. Là, il achevait de se dégrader sous les pas, le ruissellement des eaux de pluie et l’estomac des animaux en liberté. Mais personne n'ai venu expliquer comment réparer le plastique. Personne n'a présenté les risques liés à l’emploi des matières synthétiques ni l’incapacité pour la nature de ce débarrasser de tels matériaux. Alors ils restent souvent là, brisés devant l’entrée de la cour, à se décolorer sous le soleil, sans pour autant se désagréger.

Une maigre silhouette désarticulée arpente les rues souillées de la ville, les bras encombrés de morceaux de ces plastiques en fin de vie. Il est le seul, ici, à se préoccuper de propreté urbaine lorsqu’il entasse ces immondices qui ne pourrissent pas. La tâche est rude pour un seul homme quand dix milles autres consomment et jettent quotidiennement. Autant dire qu’il est dépassé.
Certains avaient compris l’intérêt de sa démarche, sans toutefois s’investir à sa hauteur. Quand la ville se réveille, les femmes et les commerçants lui tendent quelques rondelles métalliques ciselés du francs CFA, pour ramasser les emballages qui encombrent l’entrée de la cour et la devanture des boutiques. De petites sommes qui financent sa bière et ses cigarettes.
Et pas même une brouette ou une planche à quatre roues pour optimiser le ramassage. Rien qui ne puisse aider à la besogne, seulement une démarche désossée et des bras maigres, bien trop fins pour contenir autant de plastique éparpillé par les hommes puis dispersé par les vents. Les écologistes sont des gens seuls ici comme ailleurs.

Pour tous, il est l’américain.
De lui on se moque à Boromo. Pourtant, il y a de l’affection dans les moqueries. Et le coup de pied qui le chasse n’a pas pour but de faire mal. C’était seulement la manière la plus efficace de faire déguerpir ce type qui n’écoute rien et ne fait jamais entendre le son de sa voix. Son esprit est possédé, mais dépourvu de méchanceté. L’américain est un homme à part entière, respecté dans sa folie.
Son soucis de propreté urbaine révèle une coquetterie inattendue. Parmi les denrées qu’il glane, il extirpe avec choix les morceaux de tissus et les fringues insalubres dont il s’orne. La veille, il portait un pull Gucci de friperie qu’il a échangé aujourd'hui pour une chemise de coton rapiécée.

Boromo, le 27 octobre 2002
Plus impressionnantes sont ses coiffes, parfois si lourdes qu’il lui faut les retenir de la main pour ne pas s’arracher le cuir chevelu. Alors quand les autorités locales décident de lui raser la tête à défaut de lui laver, il déambule paré d’une perruque de femme, déterrée d’un lieu inconnu. C’est en punk rasta qu’il patiente la repousse de sa chevelure.

Chacun sait à Boromo qu’il n’a pas toujours été ce fou crasseux, nettoyeur du bitume. Il n’a toutefois plus guère d’atout pour plaire : un déhanchement dans la démarche qu’on n’observe généralement que sur les podiums de Jean Paul Gautier, un mutisme permanent et un regard inquiétant de sévérité.
Probablement est-il instruit, sans doute lettré. Suffisamment intelligent en tout cas pour faire un bon douanier, puisque c’est la profession qui fut la sienne avant de devenir l’américain de Boromo.
Mais douanier est un métier dangereux. Il n’est déjà pas simple pour tout un chacun de se préserver de mauvais génies et des esprits de la brousse. Le douanier doit en plus subir la méfiance, voir l’hostilité des hommes, bons ou mauvais. Comme dans toute société, les citoyens ne font pas toujours preuve d’une rigoureuse honnêteté.
Lui qui se soucie de l’apparence de son grand corps, prenait sans doute soin d’un uniforme repassé jusqu’au plis du pantalon, épousseté jusqu’aux épaulettes. La poussière rouge adhérait au cirage de ses bottes au cuir entrenu. Et sans doute plaisait-il aux femmes.
Que ce soit un mari jaloux ou les trafiquants d’or et d’ivoire, il gênait. Un sorcier empoisonneur fut désigné pour exercer sa plus détestable activité, ce qu’il fit avec médiocrité. C’est de cette manière que disparut le douanier.

Boromo, le 22 octobre 2002
Il n’est certes pas mort le douanier, seulement désormais, il s’habille des déchets éparpillés et on l’appelle l’américain. Perdant la raison, son emploi et son statut social, il n'est plus alors qu’une caricature de lui même : un homme soigné et misérable. Mendiant son existence et ne supportant pas le désordre et la saleté des rues devenues son logis.

Il ne s’est pas reconnu sur le tirage photographique que je lui ai donné, la dernière fois que je l'ai vu en 2008.

dimanche 15 janvier 2017

Un logo pour pas cher

Il y a de l'ennui et de la tristesse dans le regard de cette jeune pompiste de Ouagadougou. Elle travaille pourtant dans l'une des stations services les plus comiques de la capitale burkinabè. Il suffit d'observer l'enseigne de cette société pour comprendre l'origine du malaise.

Station service, Ouagadougou, le 18 novembre 2016
                  CANON EOS 60D / CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 28 mm
                  f/6.3
                  1/400 s
                  ISO 250

Ce logo sur la façade ne vous dit rien ? C'est à se demander si son auteur ne serait pas le même que le coupable de la création de l'affiche du FESPACO 2017. J'espère que le DG de cette chaîne de station services n'a pas acheté sa création graphique trop cher... car même gratuite, c'est cher payé que de se contenter de pirater le logo de la poste (devenue Banque Postale) et celui de la chaîne de supermarché Carrefour... pour créer l'identité visuel bancale d'une société de distribution d'hydrocarbure.



J'ai beau retourner la chose dans tous les sens, je ne vois pas comment justifier la réutilisation de la fusée postale, création de Guy Georget en 1960 ; en association avec le magnifique "C" de Carrefour, créé en 1966. Quel lien graphique, quelle justification symbolique ce copié-collé peut-il avoir ? Car si le graphiste auteur de ce méfait est un piètre créatif, il est en revanche un virtuose du téléchargement sur internet et certainement un sacré baratineur pour parvenir à convaincre un chef d'entreprise qu'il s'agit là du meilleur logo que sa société puisse acquérir.

Voila malheureusement en quoi se résume trop souvent la création graphique burkinabè : un copié-collé irréfléchi et ridicule. Le plus navrant, c'est qu'en face d'eux, se trouvent des chefs d'entreprise, probablement désireux d'aller au moins cher, et qui n'éprouvent aucune gêne à acheter et exhiber le pillage graphique de marques connues à l'internationale, pour créer leur propre image de marque. Que deviendra ce logo le jour où Carrefour décidera d'ouvrir une grande surface à Ouagadougou ? Le pillage des photographies sur internet est une faute grave dont se moquent les créateurs graphiques. Mais le pillage des logos déjà existant ajoute de la stupidité à la faute.

mercredi 4 janvier 2017

Bonne année 2017


A tous les visiteurs,
occasionnels ou réguliers,
je vous propose de multiplier les bonheurs pour
une excellente année
2017