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jeudi 16 mars 2017

Insécurité routière

Plus que les balles perdues des militaires en colère, les pneus lisses ou crantés sont les armes les plus létales de la capitale. Un sociologue se penchera t-il un jour sur les raisons qui poussent des milliers de burkinabè à délaisser toute forme d'intelligence dès lors qu'on leur place un guidon, ou pire un volant entre les mains et qu'ils finiront par se prendre entres les dents.

Ouagadougou, le 1er décembre 2016
                  CANON EOS 60D / CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 105 mm
                  f/5.6
                  1/1 250 s
                  ISO 320

La présence policière aux feux tricolores est salutaire tant l'insécurité routière gangrène la ville. Elle reste pourtant inutile. On continue à bafouer quotidiennement le bon sens tricolore. Y a t-il quelque chose de logique à vouloir en permanence gagner quelques secondes en grillant un feu rouge, à remonter une avenue à contre sens pour éviter un ralentissement, à couper la route des autres usagers, à prendre les ronds point à contre sens, quand la quasi totalité des citoyens ouagalais ont, quoi qu'il arrive, systématiquement deux à trois heures de retard à tous leur rendez-vous ? Vos quelques secondes valent-elle de se retrouver à plat ventre, face contre le bitume sous le pare-choc d'une vieille Mercedes ?

Ouagadougou, le 1er décembre 2016
                  CANON EOS 60D / CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 99 mm
                  f/5.6
                  1/1 250 s
                  ISO 320
A l'évidence, tout le monde ou presque répond par un oui franc et irrévocable. Ils sont rares les casques sur les motos, les freins sur les vélos, les ceintures de sécurité dans les automobiles, les clignotants sur les croisements... Alors que les klaxons et les coups de frein rivalisent en nombre avec les motos couchés en travers de la route, perdant leur huile tandis que leurs propriétaires perdent leur sang (froid). Il n'y aura bientôt plus assez d'arbre à Ouagadougou, décimés qu'il seront par le nombre de véhicules morts ou blessés que l'on s'efforce de protéger des autres usagers en les signalant par des branches arrachées. Au rythme où vont les véhicules les uns contre les autres, la repousse des branches ne sera jamais assez rapide pour compenser les arrachages.

Burkina Faso, le 29 juin 2013

                  CANON EOS 60D / Canon EF-S 55-250 mm F/4-5.6 IS II
                  Distance focale : 55 mm
                  f/5.6
                  1/320 s
                  ISO 100


Alors, quand le sol burkinabè sera devenu aussi désertique que celui du Niger, il sera temps, peut-être, de se demander comment nous en sommes arrivé là et enfin, de changer de comportement. En attendant, nous continuons bêtement de remplir les hôpitaux et les cimetières de citoyens défigurés, à la vie à la mort par le bitume et la bêtise humaine.

mercredi 1 mars 2017

word press photo 2017

Chaque année, le résultat du concours word press photo est attendu par tous les acteurs de la profession. Chaque année, il frappe fort là où on ne l'attend pas vraiment. Et chaque année, il traine derrière lui son lot de protestations, scandales ou désapprobation. généralement, les photographes eux-mêmes s'insurgent contre les choix du jury. Soit que la photographie ne soit jugée trop retouchée (Paul Hansen en 2013) où trop mise en scène, voir truquée (Giovanni Troila en 2015)...

© Burhan Ozbilic, 2017


Cette année, grande innovation, il s'agit d'une protestation politique. Autant dire qu'il s'agit d'une tempête dans un verre d'eau. Qui se soucis en effet de savoir que la Russie ou la Turquie désapprouvent l'excellent cliché du photographe Burhan Ozbilici, montrant l'assassin de l'ambassadeur russe juste après l'accomplissement de son crime. Les journalistes, les photographes et le Word Press photo n'ont pas à prêter la moindre attention aux (arrières) pensées, donc très arriérées, de quelques-uns des dictateurs de la planète. En revanche, ils ont à rendre compte de la réalité des faits, avec professionnalisme et efficacité. Et tout cela est réuni dans le cliché primé cette année.
La rigueur du cadrage est exemplaire. Surtout si on se replace dans le contexte de prise de vue ; une fusillade nourrit dans une salle bondée de monde. Un cadavre encore chaud et la menace d'une mort imminente pour toutes les personnes présentes, y compris le photographe lui-même. Pourtant, la prise de vue reste exemplaire. L'image produite, fidèle dans les moindre détails à la réalité, n'en est pas pour autant vulgaire ou arrogante comme il serait facile de la faire avec un tel évènement : le visage de la victime est dissimilé par son corps, le sang n'est pas visible, bref toute la cruauté du crime nous est épargné sans rien travestir de l'action en cours. Il s'agit là d'une rare et puissante maîtrise du travail journalistique de la photographie qui mérite amplement la reconnaissance de la profession.
Certes, on entendra que montrer un cadavre est révoltant, mais la manière dont il est exposé à nos regard est respectueuse de la victime. Certes on trouvera des idiots, jusque dans l'ambassade de Russie à Ankara, pour s'offusquer de la mise en avant du criminel, mais effacer les salauds ne les rendra pas invisible ni inexistant. Certes le photographe n'a fait que se trouver au bon endroit au mauvais moment, mais peu de professionnel, soudainement plongé sans s'y attendre dans pareille situation n'aurait su si bien accomplir leur travail. Car, je site Burhan Ozbilici lui même au lendemain de la prise de vue “Il me faut quelques secondes pour réaliser ce qui s’est passé. Un homme est mort devant moi. Je suis terrorisé et confus mais je parviens à m’abriter en partie derrière un mur et je fais mon job : prendre des photos

Et si les autorités russe ou turque ne sont pas d'accord, ils en ont le droit tout comme nous avons le droit de ne pas nous préoccuper de leur opinion dès lors que nous ne sommes pas citoyen de l'une ou l'autre de ces dictatures.