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jeudi 16 février 2017

Optimiser n'est pas tricher

La plupart des propriétaires d'un appareil permettant la prise de vue photographique se contentent du format jpeg, si pratique à l'usage : il est léger et lisible par tout système informatique. De ce fait, pour le grand public, faire une photographie revient à appuyer sur un bouton et immédiatement en visualiser le résultat. Certains, désireux d'aller plus loin passent ensuite par Gimp ou photoshop pour corriger les défauts de prise de vue et éliminer les détails disgracieux. Ce qui peut aller jusqu'au trucage pure et simple de la photographie.
Le grand public a donc du mal à comprendre pourquoi les clichés publiés par les photographes de métier diffèrent parfois beaucoup de la qualité obtenue au moment de la prise de vue et la tentation est grande de qualifier de tricherie ce que nous autre photographes appelons optimisation. L'erreur provient d'un méconnaissance de ce qu'est une image numérique.

Voûte étoilée, brute de prise de vue, au zénith de Ouagadougou, le 11 février 2015
                  CANON EOS 60D
                  Distance focale : 18 mm
                  f/4.5
                  30 s
                  ISO 800

Nos "ancêtres", qui travaillaient en pellicules noir&blanc comprennent bien que le négatif n'est qu'un support qui doit être exploité, optimiser sous l'agrandisseur : certaines zones doivent être surexposées pour en faire ressortir les détails les plus lumineux, d'autres sous exposés ou sous contrastés. Faire un tirage photographique noir & blanc revient à une gymnastique des mains pour embellir le résultat de la prise de vue. Avec le passage à la pellicule couleur, on a souvent laissé à une machine le soin de procéder au développement. Raison pour laquelle les plus grands photographes ont souvent préférer rester en noir et blanc afin de maîtriser cette étape cruciales du tirage papier qui permet de sublimer une prise de vue.
Pour le grand public, développer un fichier numérique n'a pas de sens, d'où l'incompréhension de ce que nous appelons optimisation d'une photographie. Optimiser une image, cela signifie exploiter le maximum d'informations contenuent dans un fichier numérique. A ce stade là, un peu de technique s'impose. Le format jpeg, comme pratiquement toutes les images numériques que nous voyons sont constituées de trois couches de couleurs : une couche Rouge, une couche Verte et une couche Bleue (communément nommé RVB). En informatique, chaque couche est codé sur 8 bits. Chaque bit ayant deux valeurs possibles (1 ou 0), il y a 256 valeurs possibles pour chaque couches. Une image numérique comprend donc au maximum 256 x 256 x 256 nuances possible. Soit un total de 16 777 216 nuances possible. C'est prêt de dix fois plus que ce que l'œil humain peut discerner, cela est donc suffisant pour afficher correctement une image. Et cela laisse même un peu de marge pour quelques améliorations mineures.

Mais les appareils photographiques professionnels ou semi-professionels sont capable de travailler en 12, 14 (voire même 16 bits par couche pour les plus hauts de gamme), à condition d'utiliser le format brut plutôt que le jpeg.
Or, en 14 bits par couche, c'est le cas de la plupart des boitiers actuels, il y a 16 384 nuances par couche. L'images peut alors contenir au maximum 16 384 x 16 384 x 16 384 nuances soit : 4 398 046 511 104 nuances (autrement dit près de 4 400 milliards de nuances possibles). Notre œil ne les discerne pas, mais l'appareil photographique les capte et les enregistre dans le fichier brut de prise de vue.
En enregistrant au format jpeg, le boitier compresse en 8 bits par couche l'image captée. Ce qui revient à ne garder que 0,000 381 47 % du nombre de nuances possible saisies par le capteur photosensible. Une telle perte d'information (99,999 618 53 % de perte) ne permet pas d'optimiser sérieusement la prise de vue.
Le photographe qui travaille en format brut conserve, lui, l'ensemble des nuances captées. Il lui est donc possible, grâce à des logiciels adaptés, de travailler sur ces nuances et de les rendre visible. Voila en quoi consiste l'optimisation sans tricherie.

Voûte étoilée au zénith de Ouagadougou, optimisée par Dxo Optic Pro, le 11 février 2015

Un beau ciel étoilé ne contient que quelques nuances de couleurs en jpeg, mais il sera composé de plusieurs milliards de nuances en format brut. En jouant sur le contraste, le saturation, la température et la luminosité de ses nuances (comme on le faisait autrefois sous l'agrandisseur), il sera possible de faire apparaitre le moindre détail de la voute céleste. Ainsi, optimiser une prise de vue revient à travailler avec l'ensemble des informations de couleurs enregistrées par le capteur, dont la sensibilité est démesurément plus fine que l'œil humain. Dès lors, la tricherie en photographie ne commence que lorsque on utilise un logiciel pour ajouter une information non perçue par le capteur.
Le potentiel d'optimisation est considérable, ce qui explique en partie la différence de qualité observable sur une photographie professionnelles par rapport à un jpeg amateur (ne négligeons pas également le choix du boitier et des optiques ainsi que les réglages manuels et le cadrage, qui sont les premières formes d'optimisation de la prise de vue).

En complément, vous pouvez consulter deux posts récents de ce blog relatant un retour d'expérience de traitement sans tricherie de fichiers bruts :