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lundi 22 mai 2017

Gadgetisation de la photographie

Il se passe avec le matériel photographique ce qui est déjà arrivé avec les téléphones portables. Après une période de croissance portée par des améliorations techniques, il devient de plus en plus difficile d'imposer le renouvellement des boitiers auprès des utilisateurs (entendre par là "les clients").
La solution marketing est alors toujours là même : quand l'indispensable atteint un niveau optimal, il convient de le remplacer par le superflu. Certes il y aura toujours une avance qualitative dans les boitiers professionnels, mais les boitiers reflex, même d'entrée de gamme offrent des qualités de prise de vue remarquables et les logiciels de dématriçage décuplent leurs possibilités.
Pour séduire un nouveau public et encourager le renouvellement d'un matériel pourtant toujours  fonctionnel, les fabricants imposent donc des gadgets dont l'utilité est contestable. Certains appareils photographiques hyperspécialisés (photographie à 360°, à mise au point variable...) s'exhibent dans des reportages publicitaires où ils se présentent comme l'innovation qui va révolutionner la photographie. En réalité, si cette sur-exposition bouste les ventes durant quelques semaines, elle retomberont vite.

Les heureux possesseur d'une optique fish-eyes connaissent bien le principe : on achète sur un coup de cœur un gadget "génial", avec lequel on s'amuse abusivement durant quelques jours, puis on se rend compte que son usage est trop contraignant, trop restrictif. On constate vite que l'on fait toujours la même chose et on finit par le remettre à sa place : c'est à dire sur une étagère qu'il ne quittera qu'à de rares occasions. La révolution annoncée par les sites marchand ne s'étendra finalement guère plus loin que le bord de votre étagère.

Avec les appareils à 360°, comme le modèle Panono; on doit en plus utiliser un logiciel spécifique pour visualiser les clichés. Idem pour les boitiers à mise au point variable. Alors très vite on laisse tomber l'innovation du siècle pour revenir, au mieux à son boitier réflex et au pire à son smart-phone, qui lui aussi au moment de l'achat promettait les meilleurs photographies du monde mais s'avère décevant à l'usage. Et dans 10 ans, quand toutes ces technologies auront été rendues obsolètes par d'autres gadgets, que les logiciels ne seront plus développés, l'ensemble des clichés réalisés seront devenu illisibles. Ils auront de toute façon été oublié depuis longtemps.

lundi 8 mai 2017

Les ruines de l'article 37

Ayant, comme tout citoyen burkinabè, vécu la fin du régime de Blaise Compaoré et du CDP, il m'a semblé important de fixer définitivement et avec un regard artistique les restes des bâtiments de l'Assemblée nationale après le passage des manifestants. J'ai prit soin d'attendre que la poussière et la colère ne retombent pour solliciter une autorisation de prise de vue qui me permettrais de déambuler librement dans les vestiges de la fureur citoyenne.

Ouagadougou, le 23 mars 2017
                  CANON EOS 60D / CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 24 mm
                  f/8
                  1/250 s
                  ISO 500

Ouagadougou, le 23 mars 2017
                  CANON EOS 60D / CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 24 mm
                  f/7.1
                  1/1 000 s
                  ISO 800

De ces jours de manifestations, de routes barrées, de foules humaines faisant face avec courage aux tirs de kalachnikov de militaires dévoués à leur chef à vie, mais n'y croyant déjà plus tellement, il demeure de nombreuses photographies ou morceaux de vidéos, souvent floues et tremblantes que les burkinabè ont partagés en direct sur les réseaux sociaux. Certains médias étaient là et ils ont également diffusés ces images amateurs. Tout ce contenu deviendra archives, si ce n'est pas déjà le cas.
Le reportage photographique que je présente ici intervient deux ans après les évènements. Au moment où la question du devenir de ces bâtiments endommagé se pose. Déjà, l'ancien hémicycle n'est plus accessible, les murs menaces de s'effondrer et le bâtiment a été muré pour éviter tout risque d'accident. Les locaux administratifs sont encore accessibles. Ils témoignent de la violence des incendies qui ont détruit les lieux. Les carcasses de véhicules calcinés encombrent encore la cour, à l'ombre de murs noircis par le fumée. Des bâtiments, il ne reste que le béton et un peu de tôles déformées, voire fondues par la chaleur. Dans certaines pièces, quelques documents encore lisibles sous une couche de poussière fine. Mais le plus souvent, dans les pièces du rez de chaussée, il faut pour avancer s'enfoncer dans vingt centimètres de cendre grise et fine.
Tout est noir et blanc, à l'exception, dans les étages, des sécurités incendie dont le rouge vif nous rappelle qu'il s'agit là de photographie en couleurs. Durant toute la prise de vue, je suis escorté par un policier particulièrement bienveillant sur ma sécurité tout en me laissant me déplacer à ma guise dans ce décors d'apocalypse.

Ouagadougou, le 23 mars 2017
                  CANON EOS 60D / CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 24 mm
                  f/8
                  1/6 s
                  ISO 500

Ouagadougou, le 23 mars 2017
                  CANON EOS 60D / CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 24 mm
                  f/13
                  1/250 s
                  ISO 400

Ouagadougou, le 23 mars 2017
                  CANON EOS 60D / CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 28 mm
                  f/14
                  1/50 s
                  ISO 400


Dans le passé, j'ai connu ces lieux, vivants et entretenus, avant que ne passe la colère populaire face à un article 37 qui n'aurait pas du être modifié. Il en reste pour l'histoire et les archives ces clichés de rouille et de suie, dans le silence des bâtiments éventrés, en plein centre de Ouagadougou. Une ruine qui finira par s'effondrer si elle n'est pas réhabilitée et qui nous rappellera, à toute fin utile, que la démocratie ne se négocie pas et qu'à trop la maltraiter, le résultat n'est jamais glorieux pour les coupables.