barre de partage

dimanche 22 mai 2016

Ré-création de Gif animé

Les différentes phases de la lune en Gif animé. Prise de vue du 5 au 30 novembre 2013 à Ouagadougou, Burkina Faso

D'abord pollueur du web dans les années 90, le format Gif, animable, avait presque fini par disparaître avec le passage dans un nouveau millénaire. Certes le Gif permettait de faire des images qui bougent mais pour le reste il n'y avait que des inconvénients dans son utilisation : en premier lieu il s'agissait d'un format en 256 couleurs quand nous étions habitué à l'usage des millions de couleurs même dans nos plus mauvais jpeg. Ajoutez à cela un brevet détenu par UNISYS qui limitait le nombre des logiciels capables de générer des Gifs (à moins de payer des royalties).
Au final la production des Gif animés est restée médiocre, images de mauvaise qualité, animations sans grande créativité, plus irritantes qu'esthétique. Comme toute chose à la mode, ils sont devenus ringards et se sont fait doucement oublier, sans regret.
Entre temps le format libre PNG lui fut un redoutable concurrent, disposant d'un algorithme de compression plus efficace et supportant 16 millions de couleurs et 256 nuances de transparence. Mais voila, le format PNG n'a jamais été développé pour l'animation. Si bien que le Gif, dans sa version animée, demeure sans équivalent.

Puis de 2003 à 2006, les brevets sont tombés dans le domaine public. Le nombre des logiciels permettant de générer ce format s'est rapidement multiplié et partout dans le monde, des artistes, des graphistes ou tout simplement des anonymes lui ont trouvé un intérêt nouveau. A partir de 2010, il prolifère de nouveau sur le web. Les photographes l'utilisent pour animer certains détails d'une image. Des illustrateurs donnent naissance à des scénettes humoristiques ou surréalistes. Et comme il faut bien ajouter un peu de médiocrité à se foisonnement créatif, les moins doués d'entre nous se contentent de reprendre des extraits vidéo pour les enregistrer en Gif animé... Des start up prévoit déjà de monétiser la réalisations de gifs avec des arrières pensées de création publicitaires invasives.
Et voila que yahoo, en partenariat avec l’université ETH de Zurich propose de développer une intelligence artificielle, rien que ça... pour automatiser le choix des vidéos à retranscrire en Gif animé... Se rendent-ils compte que le gif vidéo est au gif animé à peu près ce que le selfie est à la photographie (c'est à dire un grand rien) ? Avons nous vraiment besoin d'une intelligence artificielle pour faire un truc aussi bête et inutile ? Faut-il d'ailleurs parler d'intelligence quant il s'agit de générer de la bétise ?

Faire part de naissance composé de deux images en boucle.

Élevons nous au dessus de la médiocrité. Il est tellement triste de rabaisser le Gif animé au seul usage de la vidéo. Au hasard, prenons le temps d'admirer des gifs, développés et animés avec talent et créativité : du street art, des images vectorielles féériques, d'autres hypnotiques et pour finir des photographies pleines de poésie.

La création sous ce format nécessite d'apprivoiser la limite de 256 couleurs, de maîtriser le rythme de défilement des images et le raccord de la dernière image à la première pour une lecture en boucle fluide. A partir de là, tous les médium deviennent possibles. On peut utiliser de la photographie, de la vidéo, de la modélisation 3D, du dessin, des collages ou du bricolage et même mélanger tous ces médiums.

Carte de voeux 2016, mélangeant vidéo et modélisation 3D en gif animé

Votre imagination et votre créativité sont les seules limites. Alors s'il vous plait, ne vous contentez pas d'une vidéo piratée sur le net pour générer un gif animé sans âme ni intérêt même si Yahoo vous affirme qu'une sous-intelligence artificiel fera le boulot à votre place.

Gif animé développé pour un logiciel d'apprentissage de la langue des signes pour le centre scolaire Cefise Benaja à Ouagadougou, Burkina Faso


mercredi 11 mai 2016

La mémoire d'une aventure

Quel souvenir gardons nous d'un événement particulier ? Je me demande si l'angoisse de l'oubli n'est pas un trait commun à la plupart des photographes. Photographier revient à faire un arrêt sur image sur un moment de la réalité. Il s'agit donc d'une manière de figer un souvenir sur papier ou sur écran pour pouvoir en garder, en scruter et au final en partager chaque détail. Dès lors, le cliché modifie notre souvenir, et même notre perception du moment. Ce qui n'a pas été photographié s'estompe face au poids de l'image.
A côté des reportages de commande, les prises de vue personnelles constituent la mémoire matérielle des photographes. Consultés individuellement, ces clichés ne sont que des images plus où moins belles et intéressantes mais réunies dans leur totalité, elles restituent le autoportrait virtuel du photographe, qui bien qu'il n'apparaisse pas se trouvais là. Chaque photographie est une occasion d'affirmer : j'étais là.

En avril 2009, lorsque j'ai décidé de quitter la France avant que de périr noyé dans le naufrage sarkosien d'alors, j'ai prit la route avec un boitier argentique 6x6 Bronica, un 24x36 Canon et un modeste Canon numérique 350D. J'ai avalé la route de Paris jusqu'à Ouagadougou, seul au volant, avec ces trois boîtiers à portée de mains, sur le siège passager. Et j'ai photographié, à chaque arrêt et en roulant, passant des autoroutes françaises aux voies rapides espagnoles. Puis aux routes marocaines, modernes au nord, de plus en plus ensablées dans le Sahara Occidental. Vient ensuite le no man's land chaotique et plein de danger pour atteindre la Mauritanie où un bitume noir et luisant vous mène jusqu'à Nouakchott. Puis la route de l'espoir, tant il en faut, pour s'engager dans ces collines de sable d'où émerge un maigre goudron vieillissant et où toute vie humaine rencontrée s'apparente à un miracle. L'arrivée en Afrique noire, dite subsaharienne ne laisse aucun répit quant à la dégradation des routes, devenues souvent des pistes parsemées d'un peu de goudrons antique, destructeurs d'essieux et de carter, une route primitive en somme.


Entre El-Ouatia et Laayoune, le 12 avril 2009, Sahara Occidental
Au sud de la frontière Maroc-Mauritanie, le 14 avril 2009, Mauritanie
Bou Lanouar, le 15 avril 2009, Mauritanie
La Passe de Djouk, Mauritanie, le 16 avril 2009

De tout cela je garde beaucoup de souvenirs mais la plupart sont désormais liés aux photographies réalisées lors de l'aventure et que je peux revoir à volonté. Le fait d'avoir travaillé de longues journées dans la moiteur inactinique du labo photo pour réaliser, avec minutie, les tirages argentiques noir et blanc, n'a fait qu'accentuer la mémorisation de ces moments précis. Entres les photographies, subsistent des blancs, des oublis. Je n'ai jamais eu beaucoup de mémoire, c'est sans doute pour cela que j'ai, très jeune, aimé pratiquer la photographie. Heureusement durant le périple, j'ai chaque soir, à l'arrière de mon véhicule et avant de m'endormir, relaté par écrit le récit de mes journées ce qui me permet de compléter ma mémoire lacunaire de quelques écrits.

Couverture du livre Immigration inverse

Pour ceux qui souhaitent en savoir davantage et surtout en voir plus, le recueil de ce voyage est disponible en 106 pages, dans la boutique du site Lulu.com, sous le titre Immigration Inverse. A quelques exceptions près, il vous donnera accès à la totalité de mes souvenirs de ses quinze jours de route, de sable et du vent abrasif qui va avec.

mercredi 4 mai 2016

La beauté des pylônes électriques

Certains objets sont naturellement photogéniques. C'est par exemple le cas des bicyclettes. L'objet en lui même est esthétique, les bureaux d'étude où ils sont dessinés inclus des designers et même si la forme générale évolue peu, leur look suit la mode et s'exhibe lors des épreuves sportives.
D'autres objets ont généralement la réputation d'une grande laideur. Ils abiment les paysages et rien n'est fait pour les rendre beau tant leur fonction et leur aspect technique prime sur l'esthétique. Les pylônes électrique et les antennes radar ont pourtant un rendu majestueux en photographie. J'ai pu le vérifier partout où je suis passé. La structure métallique brute de leur assemblage, semblable à des squelettes d'insectes gigantesques dressée à la vertical, donne souvent à mes yeux de l'intérêt pour des paysages qui sans cela passeraient inaperçus. C'est quelque chose de paradoxale. Dans la nature, ils n'ont rien de beau et ne sont jamais à leur place, il sont même de trop, mais sur une photographie, en arrêt sur image, ils habillent l'espace et donnent une structure au cadrage.

Antenne relais quelque part dans le nord de la France

Il y a quelques années, je photographiais les infrastructures ferroviaires lorsque je me déplaçais en train. Puis j'ai fait la même chose le long des autoroutes et nationales françaises. Plus récemment, j'ai poursuivi cette série en Afrique de l'Ouest. Ces bouts de ferraille nous montrent à quel point l'homme a conquis chaque espace de la planète, y répandant ses ondes et son énergie électrique au pied des habitations du moindre village où au milieu du bout du monde, en pleine brousse comme en plein désert.

Dans les environs de Marseille, août 2006

En allant à paris, par la gare de Lyon,juillet 2005

Entre Fréjus et Paris, août 2006
 Lors de la traversée du Sahara, en longeant la Côte Atlantique, les kilomètres étaient rythmés par le défilement des antennes radar, uniques formes verticales, uniques arbres à pousser si haut, les pieds dans le sable et balayés par les vents abrasifs du désert et corrosifs de l'océan. Parfois, à l'approche d'une zone d'habitations apparaissaient une ligne de pylônes électriques


Entre Ouagadougou et Boromo, Burkina Faso, le 11 novembre 2005

Quelques kilomètres au nord de Nouakchott, Mauritanie, le 14 avril 2009

Le moche peut apparaître beau à la condition de savoir le regarder et pour qui ne l'a pas continuellement sous les yeux. Je n'imposerais pas aux habitants à proximité de ces pylônes d'y voir le moindre intérêt esthétique, eux qui sont sans doute d'avantage préoccupés par les nuisances qui leur sont imposées par le progrès... D'autant qu'en Afrique de l'Ouest, le passage d'une ligne à très haute tension n'est pas une garantie d'un raccordement au réseau électrique. On peut ainsi subir les inconvénients sans même tâter des avantages.

Entre Niamey et la frontière burkinabè, le 13 août 2010
Près de Houndé, Burkina Faso, le 29 avril 2012
Zawara, Burkina Faso, le 6 février 2016