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samedi 10 septembre 2016

Se passer du flash

Chantier, Ouagadougou, le 10 juin 2015
                  CANON EOS 60D
                  Distance focale : 18 mm
                  f/3.5
                  1/125 s
                  ISO 320


Utiliser le flash dès que la lumière devient insuffisante est devenu un réflexe pour beaucoup de monde.
" C'est la seule chose à faire " nous dit-on. J'étais tout récemment confronté à cette problématique : une pièce sombre et un portrait à réaliser. Plus précisément, m'étant infiltré au sein d'une délégation venue rendre visite au Mogho Naba à Ouagadougou, je suis introduit dans la salle du trône où il reçoit ses invités. J'évalue immédiatement la lumière : une fenêtre translucide sur le côté gauche fournit la principale source de lumière. Mais celle ci, déjà filtrée par le verre dépoli, est encore atténuée par un large auvent qui couvre la terrasse donnant accès à la salle du trône. Nous sommes en août, et le temps pluvieux ne laisse plus entrer qu'une demi pénombre à laquelle nos yeux s'adaptent pourtant facilement.

Le Mogho Naba sur son trône, Ouagadougou, le 12 août 2016
                  CANON EOS 60D ; CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 24 mm
                  f/4
                  1/25 s
                  ISO 2 500

Sur les quatre murs de la pièce, des ampoules basse tension diffusent avec peine leur lumière jaune. J'avais repéré les éclaires du flash de la délégation précédente lors de la séance de photographie juste avant qu'elle ne se retire. Pour ma part, j'entends me passer du flash. Il ne faut que quelques secondes pour effectuer un réglage approprié.
Au moment de la prise de vue, on me propose les services du photographe du Mogho Naba pour me remplacer, en précisant "c'est un photographe professionnel". J'effectue toutefois mes clichés sans lui et à ses yeux grands ouvert, je devine qu'il se dit "son flash n'a pas marché, alors soit c'est un tocard, soit il est vraiment bon ..."
Je connais bien se regard interrogateur que me lancent mes confrères burkinabè qui ne conçoivent pas de se priver de leur flash. Je sais que la plupart ont appris le métier sur le tas et en dépit des années d'expérience, il leur manque toujours des bases techniques. Il y a trois raisons pour ne pas utiliser le flash.

La première, c'est qu'on peut tout à fait s'en passer dans 99 % des prises de vues.
La deuxième, c'est que je souhaite rester discret quand je travaille. Je veux que l'on m'oublie, je cherche à devenir invisible pour saisir les scènes de vie le plus au naturel possible. Pour cela, tout ce qui émet de la lumière sur mon boitier est verrouillé par un adhésif noir. L'écran reste éteint. Et si ce n'est le bruit du déclencheur, personne ne sait à quel moment la photographie est prise, ni même si elle est prise.
La troisième raison, c'est que je tiens, envers et contre tout, à préserver l'ambiance du moment et donc l'éclairage réel de la scène. Je peux toutefois choisir d'éclaircir ou d'assombrir une scène, mais je ne touche pas à son contraste, à la direction de la lumière ni à son agencement spacial. Les réglages permettent de modifier l'intensité sans toucher à l'ambiance lumineuse du moment. Ensuite, il faut bien choisir l'angle de vue par rapport à la source dominante de lumière et se mettre en apnée au moment de déclencher, cela limite les vibrations et permet de supporter des temps de pose très long à main levée.

Intérieur d'une habitation de Zawara, le 06 février 2016
                  CANON EOS 60D ; CANON EF 24/105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 24 mm
                  f/4
                  1/50 s
                  ISO 400

L'éclairage artificiel n'est valable que s'il est savamment et patiemment construit comme on peut le faire lors d'un tournage cinématographique ou en studio. Mais le flash frontal, monté sur un boitier a toujours été une catastrophe esthétique : l'ombre porté, le sur-contraste, sa faible porté et les éclats de lumière du premier-plan écrasent les volumes tout en importunant vos sujets. Je préfère encore ajouter du grain et du flou à mes photographies plutôt que du flash et j'ai le regret de constater que peu de mes confrères burkinabè admettent la possibilité de la chose.

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