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mercredi 11 mai 2016

La mémoire d'une aventure

Quel souvenir gardons nous d'un événement particulier ? Je me demande si l'angoisse de l'oubli n'est pas un trait commun à la plupart des photographes. Photographier revient à faire un arrêt sur image sur un moment de la réalité. Il s'agit donc d'une manière de figer un souvenir sur papier ou sur écran pour pouvoir en garder, en scruter et au final en partager chaque détail. Dès lors, le cliché modifie notre souvenir, et même notre perception du moment. Ce qui n'a pas été photographié s'estompe face au poids de l'image.
A côté des reportages de commande, les prises de vue personnelles constituent la mémoire matérielle des photographes. Consultés individuellement, ces clichés ne sont que des images plus où moins belles et intéressantes mais réunies dans leur totalité, elles restituent le autoportrait virtuel du photographe, qui bien qu'il n'apparaisse pas se trouvais là. Chaque photographie est une occasion d'affirmer : j'étais là.

En avril 2009, lorsque j'ai décidé de quitter la France avant que de périr noyé dans le naufrage sarkosien d'alors, j'ai prit la route avec un boitier argentique 6x6 Bronica, un 24x36 Canon et un modeste Canon numérique 350D. J'ai avalé la route de Paris jusqu'à Ouagadougou, seul au volant, avec ces trois boîtiers à portée de mains, sur le siège passager. Et j'ai photographié, à chaque arrêt et en roulant, passant des autoroutes françaises aux voies rapides espagnoles. Puis aux routes marocaines, modernes au nord, de plus en plus ensablées dans le Sahara Occidental. Vient ensuite le no man's land chaotique et plein de danger pour atteindre la Mauritanie où un bitume noir et luisant vous mène jusqu'à Nouakchott. Puis la route de l'espoir, tant il en faut, pour s'engager dans ces collines de sable d'où émerge un maigre goudron vieillissant et où toute vie humaine rencontrée s'apparente à un miracle. L'arrivée en Afrique noire, dite subsaharienne ne laisse aucun répit quant à la dégradation des routes, devenues souvent des pistes parsemées d'un peu de goudrons antique, destructeurs d'essieux et de carter, une route primitive en somme.


Entre El-Ouatia et Laayoune, le 12 avril 2009, Sahara Occidental
Au sud de la frontière Maroc-Mauritanie, le 14 avril 2009, Mauritanie
Bou Lanouar, le 15 avril 2009, Mauritanie
La Passe de Djouk, Mauritanie, le 16 avril 2009

De tout cela je garde beaucoup de souvenirs mais la plupart sont désormais liés aux photographies réalisées lors de l'aventure et que je peux revoir à volonté. Le fait d'avoir travaillé de longues journées dans la moiteur inactinique du labo photo pour réaliser, avec minutie, les tirages argentiques noir et blanc, n'a fait qu'accentuer la mémorisation de ces moments précis. Entres les photographies, subsistent des blancs, des oublis. Je n'ai jamais eu beaucoup de mémoire, c'est sans doute pour cela que j'ai, très jeune, aimé pratiquer la photographie. Heureusement durant le périple, j'ai chaque soir, à l'arrière de mon véhicule et avant de m'endormir, relaté par écrit le récit de mes journées ce qui me permet de compléter ma mémoire lacunaire de quelques écrits.

Couverture du livre Immigration inverse

Pour ceux qui souhaitent en savoir davantage et surtout en voir plus, le recueil de ce voyage est disponible en 106 pages, dans la boutique du site Lulu.com, sous le titre Immigration Inverse. A quelques exceptions près, il vous donnera accès à la totalité de mes souvenirs de ses quinze jours de route, de sable et du vent abrasif qui va avec.

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