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lundi 20 juin 2016

L'avenir de la profession en Afrique de l'Ouest

Je ne sais pas s'il est possible de généraliser les lacunes de la profession de photographe à toute l'Afrique de l'Ouest à partir de la seule expérience du terrain au Burkina Faso. J'ai tout de même souvenir que dans la sous région aussi, on s'étonne tout autant de me voir faire de la photographie sans flash, comme si cela relevait de l'exploit.
Portrait d'un vieillard, Zawara, le 26 février 2010
                  CANON EOS 300D ; CANON LENS EF 50 mm f/1.4
                  Distance focale : 50 mm
                  f/1.4
                  1/500 s
                  ISO 100

A Ouagadougou, on peut devenir photographe dès que l'on parvient à acheter un appareil numérique, même s'il s'agit d'un "France au revoir" ultra compact et ultra automatique de dix ans d'âge. Ça ne facilite pas l'obtention de qualité dans les images produites. J'ai ainsi croisé, lors d'une précédente édition du SIAO, un partenaire photographe avec trois boitiers de mauvaise qualité autour du cou. Je lui ai demandé si avec tout ça, il n'aurait pas mieux fait d'acheter un seul boitier mais trois fois plus cher.

Portrait d'une femme centenaire, Bandio le 2 octobre 2010
                  CANON EOS 300D ; CANON LENS EF 50 mm f/1.4
                  Distance focale : 50 mm
                  f/2
                  1/5 s
                  ISO 1600

Ayant fait de la formation à Ouagadougou auprès de photographes de quartier, à l'initiative de mon ami Ibrahim Nikiéma (mieux connu sous le nom de Paparazzi) et de son association Pixel 24 j'ai constaté à quel point l'automatisme des boitiers numériques a profondément transformé le métier. A l'heure où les expositions internationales reconnaissent enfin et exposent les portraitistes des décennies passées, il est temps de reconnaître que la maîtrise technique et l'œil artistique des pères ce sont égarés pour les générations contemporaines. Peu de professionnels actuels trouverons un jour à placer une photographie dans une exposition internationale. Même ceux qui ont appris le métier du temps des pellicules noir et blanc, il n'y guère plus de quinze ou vingt ans, avec leur laboratoire de chimie dans l'arrière boutique, ont délaissé le savoir-faire artistique pour de la photographie tout automatique. Je ne compte plus le nombre de fois où l'on m'a dit : " Mais alors avec le numérique, on peut faire les même réglages qu'avec les vieux appareils photo ? ". De cette remarque, j'en conclut que le savoir des pères n'a pas encore été entièrement perdu, mais que beaucoup préfèrent aller au plus simple sans se soucier de la technique et des réglages. Bref, en Afrique de l'Ouest, un photographe se contente souvent d'appuyer sur le bouton. Et de facilités en facilités, il en vient même à oublier de cadrer.


Portrait pour la campagne électorale d'Abdoulaye Bio Tchané au Bénin, Lomé le 27 décembre 2010
                  CANON EOS 300D ; CANON LENS EF 50 mm f/1.4
                  Distance focale : 50 mm
                  f/2.5
                  1/80 s
                  ISO 200

Du coup, la concurrence est rude. Car en plus des autres photographes, il faut aussi parvenir à convaincre des clients, qui bien souvent, réalisent de meilleurs photographies avec leur propre Iphone dernier cri...
Il convient donc de ne pas rester passif pour préparer l'avenir du métier au Burkina. Tout d'abord, il reste encore quelques talents passionnés qui font bien leur métier, je citerai par exemple Hamed Ouoba dont le reportage sur les attaques Djihadistes de Ouagadougou a fait le tour du monde. Il a réalisé là une prise de vue dans les pires conditions possibles, sous le feu nourri des terroristes et de nuit avec pour toute lumière la piètre qualité de l'éclairage urbain et les incendies (inutile de préciser que dans ces circonstances, le flash est proscrit).

Portrait du cinéaste Gaston Kaboré, Ouagadougou le 13 février 2016
                  CANON EOS 60D ; CANON EF 24-105 mm f/4 L IS USM
                  Distance focale : 58 mm
                  f/4
                  1/20 s
                  ISO 1250

D'autre part, il suffirait d'un peu de formation pour redonner un avenir à la profession. De toute manière nous n'avons plus le choix, si nos photographes ne parviennent pas à créer de plus beaux clichés qu'un amateur avec son smartphone il devront se reconvertir. C'est donc contrainte et obligée que la profession va évoluer pour sa survie. Le résultat ne pourra être qu'un gain de qualité. Mais ceux qui n'ont pas la passion et le courage continueront de galérer pour vendre à la sortie des salles de conférences et banquets de mariages, de mauvais tirages, souvent cadrés par hasard et développés en toute hâte afin avoir le temps de revenir harceler leurs victimes du droit à l'image.

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