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lundi 1 août 2016

Désaturer sans dénaturer

La photographie professionnelle n'aime pas le naturel. Dans ce domaine, comme en toutes choses, il y a des modes, des tendances. Par conséquent, il y a aussi des pratiques démodées.
Depuis quelques années, la mode est de désaturer les couleurs, parfois tout en augmentant le contraste sur des tirages plus sombres. Le Word Press Photo est le meilleur révélateur de cette tendance. Avec la généralisation des appareils numériques, on note ainsi un inversement de tendance : a l'origine les capteurs photosensibles cherchaient à rivaliser avec les meilleurs pellicules, les plus lumineuses, les plus colorées et fidèles à la réalités. Les photographes ont donc cherchés le maximum de saturation jusqu'à obtenir un esthétisme si coloré qu'il devenait irréel.
Nous n'en sommes plus là. Le moindre boitier même d'entrée de gamme rivalise désormais avec les pellicules de nos parents (où celles de mes débuts). Ce n'est donc plus l'éclat des couleurs qui fait la différence entre le professionnel et l'amateur. Nous assistons maintenant à la marche inverse : un retour aux photographies plus ternes, mais savamment cadrées et composées, d'une netteté incomparable. La mode est désormais à la photographie à mi-chemin entre le noir et blanc et la couleur. La couleur inscrit l'image dans le réel, l'aspect terne, presque incolore inscrit l'image en temps qu'archive et témoignage. Les photographies saturées étant réservées au souvenirs amateurs. En atténuant la couleur, on donne plus d'importance à l'ambiance lumineuse et l'image devient plus expressive. Cela donne des clichés dans ce genre là.

© Paul Hanson 2012 - Un enterrement à Gaza
Le word press photo 2013 avait primé Paul Hanson pour son cliché intitulé "Un enterrement à Gaza". Mais qui se souvient qu'à l'origine, la photographie a été publiée en novembre 2012 dans le journal suédois Dagens Nyheter, dans une version brute, contrastée et colorée. Pourtant quelques mois plus tard, la même photographie est présentée terne, estompée et ré-éclairée pour les besoins du concours ;  la lumière a été adoucie, les visages ont été retravaillés pour un aspect final qui tient plus du film hollywoodien que du photoreportage. Toutefois, le jury l'a reconnu, les retouches n'ont pas été plus poussées que ce qui se pratiquait à la mains autrefois, sous la lumière projetée de l'agrandisseur, dans l'obscurité du labo photo. Le site culturevisuelle.org. a consacré un article des plus instructifs sur ce cas d'école de la retouche photographique "acceptable".

Portrait de femme, Burkina Faso, le 30 juin 2015
                  CANON EOS 60D ; CANON LENS EF 50 mm f/1.4
                  Distance focale : 50 mm
                  f/4
                  1/200 s
                  ISO 200

Roch Marc Christian Kaboré, alors Président de l'Assemblée nationale du Burkina Faso,
Ouagadougou, le 20 octobre 2011
                  CANON EOS 300D ; CANON LENS EF 50 mm f/1.4
                  Distance focale : 50 mm
                  f/3.5
                  1/60 s
                  ISO 800

Luc Alphonse Tiao, alors Premier ministre, Ouagadougou, le12 octobre 2012

                  CANON EOS 60D ; CANON LENS EF 50 mm f/1.4
                  Distance focale : 50 mm
                  f/4
                  1/60 s
                  ISO 3200

Pâ, le 15 juin 2013
                  CANON EOS 60D ; CANON LENS EF 50 mm f/1.4
                  Distance focale : 50 mm
                  f/2.2
                  1/200 s
                  ISO 1600

Cette question de la saturation des couleurs est une problématique permanente en Afrique. Le soleil, lorsqu'il n'est pas au plus haut, diffuse une lumière chaude, jaune orangée. Le sol rouge du Burkina Faso en devient écarlate et la peau noire, plus encore que la peau blanche, se teinte de rouge. Il est impossible de rendre la vraie teinte de la peau noire sans une désaturation d'au moins 20 % des rouges et 15 % des jaunes. Une simple balance des blanc ne suffit pas à corriger harmonieusement de tels écarts de couleurs. Avec les éclairages artificiels, les écarts de couleurs sont encore plus accentués : l'éclairage urbain est orange vif, les néons sont jaunes et au final, la peau noire ne l'est jamais vraiment.
Vous pouvez maintenant voir les mêmes photographies, brut de prise de vue, sans aucune des corrections qui se font habituellement au moment du "développement".





Bien souvent les photographes et graphistes burkinabè ne prennent pas la peine de ces corrections et le résultat est désastreux pour la peau de leurs compatriotes. très peu de lieux fermés sont équipées d'un éclairage blanc neutre. Seule l'hémicycle de l'Assemblée nationale jouissait, à partir de 2012, d'une bonne qualité de lumière, mais les incendies de l'insurrection populaire de 2014 ont réduit à néant et en cendre tout cet équipement nouvellement acquis.

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